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François Goize www.francoisgoize.com ou  Danica Bijeljac www.danicabijeljac.com Maïa Sandoz ou Kenza Vannoni

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LE GROGNEMENT DE LA VOIE LACTÉE

BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN



(…) Pour les jeunes metteurs en scène, Maïa Sandoz et Paul Moulin, la comédie shakespearienne bouscule les normes, tendue par la querelle de l’ambiguïté de la parole, du désir, de la représentation et de l’illusion – une question théâtrale, éthique et politique. 

Sur le plateau, le sourire règne – humour, vivacité, sensualité, jubilation et esprit festif. Les représentations figées de l’amour sont moquées, de même la rumeur et les fake-news.

Beaucoup de bruit pour rien est une comédie bouffonne animée par des personnages de farce typés, caricaturaux et satiriques, des figures à la fois de la bourgeoisie et du peuple de la cité de Londres – ce dernier transposé dans les quartiers de banlieues remuantes.

Les filles ont de l’esprit plus que les garçons dans ce Beaucoup de bruit pour rien, coup de foudre et charme de jeunes gens espiègles qui veulent affirmer leur désir face à la vie.

Tendresse, ingéniosité et raffinement des mots d’esprit entre les amoureux non déclarés : jeux de mots à double sens et un beau langage parlé jusqu’aux calembours obscènes.

Dans ce badinage, les jeunes filles avisées excellent à pratiquer ce duel verbal qui traduit le duel des sexes – fougue, finesse et maîtrise de soi de Béatrice et Héro. Elles sont à l’écoute de leurs sensations, burlesques, fantasques ou désabusées, usant d’ironie. Bénédict qui tient si bien tête à Béatrice finira par se soumettre à la passion qui l’emporte.

Dans la scénographie ludique et plaisante de Catherine Cosme, l’espace – un beau livre d’images – coloré et illustré des mouvements des préparatifs de la fête, se met sur son trente-et-un. La troupe de comédiens investit les lieux en joyeux lurons accueillants. Les jardins du gouverneur éveillent l’amusement, évoqués par des panneaux de bois peint – arbres aux gais feuillages verts et mobiles pour la reconstitution d’un joli puzzle enfantin.

On se croirait dans le rêve enchanté d’un conte merveilleux, avec la nature pour paysage (…)

Un moment récréatif, une comédie souriante et printanière mettant à mal les prétentions velléitaires des hommes à vouloir toujours conduire le monde, les affaires et les femmes.

Véronique Hotte

HOTELLOTHEATRE

STÜCK PLASTIK


Le toxique dramaturge allemand Marius von Mayenburg, 46 ans, ne laisse rien passer des turpitudes de nos sociétés occidentales. Il en jouit. Et s’attaque ici avec une gourmande vacherie aux relations d’un couple de bourgeois bohèmes, vaguement artistes et plutôt de gauche, avec leur domestique, peu bavarde et apparemment compréhensive et docile. Bien sûr, leurs idées généreuses ne collent guère avec la réalité de ce que ces bobos d’outre-Rhin exigent de la jeune femme… Portrait au vitriol du face-à-face entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, la charge est explosive et réjouissante. Maïa Sandoz, qui incarne elle-même, avec un calme olympien, la femme de ménage tyrannisée, a monté la pièce en farce colorée aux faux airs d’installation plastique branchée. Intelligent, drôle et abrasif.

Fabienne Pascaud (F.P.)

TÉLÉRAMA - TT


Beaucoup de bruit pour rien de William Shakespeare, mise en scène de Maïa Sandoz et Paul Moulin

(…) Maïa Sandoz, Paul Moulin  et leur fidèle compagnie de l’Argument donnent la réponse. Ils jouent avec imagination et plaisir obstiné et s’amusent comme des fous sur ce vaste plateau aux merveilleuses techniques. L’installation un peu lente et à vue, en attendant que la salle se remplisse – hélas à peine au quart pour cause de distance sanitaire!- ne manque pourtant pas de charme, grâce aux arbres sur roulettes de Catherine Cosme et à la musique intervenant ici et là en direct.

Saluons tout de suite le rock des Vilaines. Et une scénographie, à la fois très dessinée et  fluide tout au long du spectacle, avec table de banquet mise et démise, forêt plus ou moins épaisse, personnages et musiciens propulsés à l’avant-scène avec micro mais sans vidéo, intrusions dans la salle et jeu enfantin à cache-cache avec le rideau. Au sens où les enfants se permettent tout, et à fond. Un jeu à la fois fantaisiste et rigoureux, parfaitement rythmé, même s’il est parfois discutable sur la durée.
L’action, menée avec précision, est fondée sur une gestuelle forte, resserrée sur les signes essentiels et parfaitement ajustée… Saluons entre autres la virtuosité de Gilles Nicolas, heureux et malheureux, puis de nouveau, heureux père de la douce Héro calomniée. Toute la troupe fonctionne ainsi.

En bons shakespeariens, Maïa Sandoz et Paul Moulin (qui joue aussi un Benedict franc du collier et sans fioritures) ont bricolé des allusions à l’actualité : brigade de sécurité,  pantins empêtrés dans une «novlangue» assez cocasse, allusion au président de la République…  Il y a là un public de professionnels et de «personnes-relais» mais ce sont ici, non les Peines d’amour perdues du grand Will mais des « peines d’écritures perdues »:  On rêve aux centaines d’adolescents qui auraient dû voir ce spectacle et en revenir enchantés. (…) Un spectacle essentiel, nécessaire ? Oui, au nom du plaisir, du divertissement et de l’admiration pour toutes ces généreuses inventions et pour un travail bien fait.

Christine Friedel

THEATRE DU BLOG

 

« Beaucoup de bruit pour rien », un Shakespeare joyeux et édifiant pour l’après-Covid.

Ce Shakespeare rend ici sa force vertueuse, forme en corps et en mots une dialectique du faux-semblant, enseigne une science du doute ; la fête combat farouchement les certitudes, les croyances où les radicalismes prennent racine. Toutes ces raisons pourvoient à la pièce une légitimité forte. Créée durant la période Covid, la pièce du duo Sandoz-Moulin est parée, pour être présentée en priorité à une jeunesse burinée depuis un an aux infox, aux chaînes en continu et à Netflix."

David Rofé Sarfati

TOUTE LA CULTURE

 
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Un attelage  prometteur.

Auteur allemand contemporain, Marius von Mayenburg est conseiller artistique de Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne à Berlin. Il est l’auteur, entre autres de Le Chien, la nuit et le couteau ou Le Moche. En 2015  il écrit à l’encre empoisonnée une pièce sombre drole et cruelle  Stück Plastik.  Maïa Sandoz est artiste associée du Théâtre des Quartiers d’Ivry . Formée à l’école du Studio d’Asnières et à l’école du Théâtre National de Bretagne, elle est comédienne et metteur en scène. Elle s’impose aujourd’hui et de surcroit par cette dernière création comme l’une des personnalités les plus intéressantes de la nouvelle génération de metteurs en scène. Car à chaque fois elle défend avec force ses intentions armée d’une solide et  puissante direction d’acteurs.

Un sujet dérangeant.

C’est l’histoire des gens sans histoire; un couple de petits bourgeois. Une image d’Épinal volontairement simplifiée car le drame gronde déjà et la catastrophe fait entendre sa marche. Elle, élégante et hystérique souvent s’amuse à mépriser son mari; lui psychorigide s’essouffle à soutenir un amour propre aussi voyant que fragile.  Dédiés à  leur travail, ils doivent embaucher une aide-ménagère. Celle-ci devient très vite indispensable. Le couple évidemment de gauche par surdétermination de classe sociale fait face à ce terrible dilemme de devenir eux même patrons d’une damnée de la terre. Comment se comporter avec cette déqualifiée surtout lorsque le patron de la maitresse de maison souhaite engager la domestique pour une de ses installations d’art contemporain ,façon ready-made :  elle nettoierait des déchets sous le regard du public?

Les protagonistes parfois parlent au public ou nous interpellent et nous voici complices de ces indignités. La gestuelle des nantis est au bord du clownesque tandis que la femme de ménage est si naturelle. Elle constitue le seul personnage vrai de la pièce; pendant que les autres adultes alimentent une mascarade des égoïsmes, des vanités et des projets mercantiles, mais aussi celle du désespoir et de la dépression. Ils sont drôlatiquement borderline. Nous croiserons une machine à cracher de la merde oeuvrant dans une musique rock électrique et apocalyptique. L’homme s’écoulera de désespoir dans les bras de la bonne; son fils s’identifiera à elle.  La pièce est terrible et cruelle. La maîtresse de maison propose à la femme de ménage d’adopter le tutoiement -nous sommes nous aussi des hommes de chair et de sang explique-t-elle dans une tirade en creux à la manière de celle de Shylock. L’inversion est alors simplement hilarante. Les  comédiens sont absolument exceptionnels et nous enfoncent dans les conflits, névroses et mauvaise foi de leur personnage.  Tout est merveilleux dans le discours emprunté, rien dans la réalité. Et le final dans un ombilic de ce discours emprunté est absolument hilarant.

Au génie de la mise en scène Maia Sandoz ajoute celle de comédienne en signant une interprétation de la  femme de ménage insupportablement culpabilisante. Elle tient le lieu du réel, du vrai et offre au texte le plus brillant hommage.

David Rofé-Sarfati

TOUTE LA CULTURE

 

ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ

 

La bande dessinée "Zaï zaï zaï zaï" de Fabcaro en scène au Pulp Festival 2018

La farce absurde de Fabcaro, critique de la société de consommation et du fonctionnement des médias prend vie au Pulp Festival à La Ferme du Buisson à Noisiel (77).
Une pièce caustique jouée par la compagnie du Théâtre de l’argument menée par Paul Moulin et Maïa Sandoz avec Blanche Gardin et Adèle Haenel.
La BD absurde et politique de Fabcaro parue en 2015 chez Six pieds sous terre, couronnée par plusieurs prix dont le Grand Prix de la critique ACBD, devient une pièce de théâtre.
Zai zai zai zai c’est l’histoire surréaliste de Fabrice, auteur de BD, qui a oublié sa carte de fidélité au moment du passage en caisse au supermarché, et se retrouve poursuivi par la gendarmerie... Sa fuite suscite un emballement médiatique sans précédent.
Une mise en scène minimaliste efficace
Sur la scène du Studio de La ferme du Buisson à Noisiel en banlieue parisienne au Pulp Festival en 2018 , une poignée de comédiens est alignée. Ils sont accoudés devant des micros, bougent peu. A leur gauche, des bruiteurs. La mise en scène, signée Paul Moulin (acteur et metteur en scène) est minimaliste, comme l’était le trait de Fabcaro dans le livre. La pièce ressemble à une fiction radiophonique, mais preuve de l’efficacité et de l’oralité présente dans la BD, cela fonctionne.
La pièce est très fidèle et on rit beaucoup de ces journalistes qui prennent l’antenne pour ne rien dire, mais sur le ton de l’urgence, des gendarmes qui digressent et en font des tonnes comme s’ils tenaient un dangereux terroriste, de la panique de Fabrice, de la chanson façon « band aid » des auteurs de BD en soutien à leurs collègues... Et de l’absurde de la situation.
C’est Blanche Gardin qui a offert la BD à la compagnie alors en création. Tout de suite ça a été le coup de foudre. Le livre a circulé dans les loges, et les comédiens ont vite eu envie de la jouer. Le résultat est saisissant...

Anne Douhaire, France Inter

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«ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ», UNE BD CULTE TRÈS SONORE

Rencontre avec Maïa Sandoz, Blanche Gardin et Paul Moulin, respectivement adaptatrice, comédienne et metteur en scène de la bande dessinée de Fabcaro, muée sur scène en une fiction radiophonique désopilante.

Une déconnante chasse à l’homme interprétée en live et bruitée par huit comédiens complices.

Zaï zaï zaï zaï est un road-movie sur fond d’état d’urgence et de flambée sécuritaire. En gros, l’histoire absurdissime d’un dessinateur poursuivi pour avoir oublié sa carte de fidélité au supermarché, obligé de se rendre aux flics en chantant Mon Fils, Ma Bataille de Balavoine. En bref, une BD truffée de vannes suffisamment nulles pour avoir cartonné dans toute bonne librairie qui se respecte depuis sa parution en 2015 (éditions 6 Pieds sous terre). Si l’on avait pu cartographier les zones du pays où le bouquin de Fabcaro a été le plus vendu, prêté, annoté en deux ans, l’on aurait sans doute observé un pic d’activité autour du XXe arrondissement de Paris, entre Belleville et Jourdain plus exactement ; périmètre où se fédèrent la plupart des comédiens gravitant d’une manière ou d’une autre autour de la compagnie Théâtre de l’Argument, lesquels sont devenus en un temps record les meilleurs VRP du dessinateur, Blanche Gardin en tête. Cette dernière vantait d’ailleurs les mérites de Fabcaro dans l’émission Quotidien de Yann Barthès. Attablée dans un bar-tabac du quartier, elle écoute Maïa Sandoz (entre autres la metteure en scène de ses stand-up) et Paul Moulin décompter en chœur : «Zaï zaï…, on a dû chacun l’acheter plus de quinze fois en deux ans. C’est devenu le cadeau idéal, le truc que tu peux offrir les yeux fermés à Noël. C’est Blanche qui nous l’a fait découvrir - et depuis on s’est tous auto-offert des Fabcaro, en ressortant tout le temps les phrases cultes entre nous.»

Table ronde. Du coup, lorsque le Théâtre de Rungis a demandé à cette bande de copains quadras - hier aux rênes du squat artistique La Générale de Belleville, et aujourd’hui réunie derrière Maïa Sandoz pour candidater à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry (Val-de-Marne) - d’inventer une petite forme légère, c’est tout naturellement qu’ils ont choisi d’adapter sur scène cette déconnante chasse à l’homme dont Blanche Gardin commente ainsi les signes particuliers : «Zaï zaï…, c’est l’impression d’être devant un autiste Asperger qui lirait le monde hyper littéralement. Il y a cette façon de souligner qu’on fait tous semblant de jouer le jeu mais que le monde moderne est tout à fait absurde, résume-t-elle. A qui il peut faire penser, Fabcaro ? J’en sais rien, moi… Raymond Devos ?» Un temps. «Ah non, non ! Rayez ça, il serait pas content du tout !»

Ce serait d’autant plus dommage que Fabcaro, en pleine explosion médiatique depuis la sortie de son roman-photo bidon cet hiver, Et si l’amour c’était aimer ? (lire son portrait dans Libération du 18 janvier), rencontrera pour la première fois l’équipe de comédiens ce samedi à la Ferme du Buisson (Seine-et-Marne), causera dans le cadre d’une table ronde et recevra sûrement quelques fleurs de ce style, signées Paul Moulin : «L’humour ravageur bien tapé, en Europe, y a Blanche, hein… Mais à part elle et lui, y en a pas beaucoup.»

Twist brillant. On parierait néanmoins que Fabcaro se pose actuellement, et comme tout le monde, la grande question : à moins de vouloir impérativement proposer une enfilade de mauvais sketchs dans un décor en carton-pâte, est-ce bien raisonnable de prétendre adapter sur scène une BD qui, avec ses quelques pages, ses dizaines de personnages, ses cases quasi identiques et son trait minimal, ses ellipses constantes et ruptures de ton, paraît en tout point inadaptable - ou pire, typiquement le genre d’œuvre dont n’importe quel fan considérerait comme un scandale suprême de vouloir l’adapter ? La réponse est clairement non. Sauf à trouver un twist brillant, comme ont su le faire Paul Moulin et Maïa Sandoz : non pas mettre en scène la BD de façon naturaliste, mais en faire une fiction radiophonique fabriquée à vue, avec un bruiteur et une perche son, quelques micros et une cinquantaine de personnages incarnés par huit (excellents) comédiens : Aymeric Demarigny, Blanche Gardin, Adèle Haenel, Cyrille Labbé, Aurélie Verillon, Elisa Bourreau, Maxime Coggio et Christophe Danvin. «Pour retranscrire toute la folie de la BD, reprend Paul, à la mise en scène, le faire au son nous a paru plus fantaisiste.»

Quiconque a déjà vu des acteurs en plein exercice de doublage ou de création vocale s’est sûrement fait la remarque : c’est théâtralement magnifique de voir des comédiens quasi statiques devant leurs micros inventer les timbres les plus impromptus, de les voir se tordre le visage pour condenser l’énergie d’un personnage dans sa seule voix. De les voir glisser entre incarnation et désincarnation, entrer et sortir du jeu sans que l’on ait seulement repéré où était la porte. On en a fait des reportages et des documentaires, plus rarement des spectacles. Et c’est bien ce genre de plaisir que nous procure ce Zaï zaï… théâtral, «celui de voir la technique à l’œuvre», précise Maïa Sandoz, celui de «toucher en quelque sorte à ce que dit Diderot dans le Paradoxe du comédien», souligne Blanche Gardin, celle qui présente sûrement ici la palette de jeu la plus extensible, partant de la caissière de supermarché pour finir sur le flic négociateur en passant par l’enfant ou le vieux routier. «Pouvoir jouer 10 000 personnages en quelques minutes, et tout ça sans bouger ou presque, t’as vraiment l’impression d’être à l’HP. Et ce que ça procure chez le spectateur, c’est sûrement la sensation de voir des pantins.» Celle aussi de ressentir une émotion rare et primaire, celle du pur plaisir à jouer ensemble - sans doute la rançon de ce qui lie tous ces acteurs depuis des années et qu’ils brandissent comme une «politique de l’amitié».

Ève Beauvallet - Libération

PASSE L’HISTOIRE À LA PASSOIRE

ZERBINETTE : Commençons par un aveu. Je n’ai pas lu la BD de Fabcaro. Ce qui ne m’a pas empêchée de comprendre l’histoire que voici. Un auteur de BD fait ses courses  au supermarché du coin. Arrivé à la caisse, il réalise qu’il n’a pas sa carte de fidélité. À la manière d’un Henri Michaux ou d’un Italo Calvino, la narration nous embarque alors dans une odyssée foutraque. Il s’agit de poursuivre le coupable de ce crime d’infidélité consumériste. Et c’est pas triste. Derrière les conversations de bar faussement légères, la peinture grinçante d’une France gangrenée par la délation, le racisme et les préjugés en tous genres. Radiophonie d’une déconfiture, plus vraie que nature.  

MANZI : Commençons par une évidence. Fabcaro est mon auteur de bédé de chevet (ou plutôt de cabinet) et j’avais très peur de cette adaptation radiophonique théâtralisée. La lecture - surtout pour ce genre de bande dessinée - est un voyage solitaire, peuplé d’interprétations personnelles qui supporte souvent très mal une transformation en images animées et causantes. C’est parfois aussi gênant que ce pote qui essaie de te raconter les couvertures auxquelles vous avez échappé de Charlie Hebdo. Cette entreprise était donc fort périlleuse mais la troupe du Théâtre de l’Argument a su préserver l’esprit de l’auteur avec une narration très rythmée franchement à la hauteur. Zaï Zaï Zaï Zaï propose une succession de saynètes sociétales hilarantes toutes au service d’un scénario totalement absurde mais haletant. L’adaptation cinématographique est pour 2020 et j’ai encore beaucoup de mal à me dire que ça va être bien.

SCÉNOGRAPHIE AU BISTOURI

ZERBINETTE : Comme son nom l’indique, le théâtre radiophonique repose sur l’enregistrement à vue et en direct du script. La géographie acoustique dessine trois ensembles au plateau. Côté jardin, le héros. Au centre, une France hétéroclite, polyphonie incarnée par six comédiens attablés en brochette. Sur la droite, Christophe Danvin et sa guitare pour une créa sonore électrique parfaitement adaptée à  l’ambiance hystérique. À ses côtés, une comédienne assignée aux bruitages et aux commérages. Puis, tous les débordements dont je ne causerai pas, qui donnent à cette scéno dynamitée bien des occasions de nous secouer.

MANZI: Ce faux enregistrement d’un émission de radio est aussi réjouissant que d’observer des acteurs en train de doubler un dessin animé. Certes figés derrière leur micro, les acteurs sont obligés de grimacer, de surjouer et c’est une explosion d’incarnations et de curieux sons. C’est parfois un peu trop burlesque mais le tempo endiablé évite les chutes loupées ou trop anticipées.

ET LES COMÉDIENS, ILS ÉTAIENT BIEN ?

ZERBINETTE : Compte tenu des contraintes imposées par le cadre de l’émission de radio : déplacements limités, pas de costumes, peu de possibilités d’interactions physiques et visuelles entre les comédiens, leur performance vocale m’a enthousiasmée. Dans ce feu d’artifice sonore, les protagonistes nous ont porté tambour battant vers des sommets d’hilarité, non dénués d’acidité. En effet, on y entend divers accents. Les catégories socioprofessionnelles sont épinglées avec acuité. Statiques mais diablement caustiques, les artistes ont tenu la cadence jusqu’à la transe.  

MANZI: Le succès de cette adaptation repose évidemment sur la qualité de l’interprétation et toute la troupe est au diapason. Bien sûr, pour apprécier leurs performances, il faut être friand d’humour absurde que je ne tenterai pas d’analyser au risque de passer pour le pédant de service. (…)

CE QUI T’A MARQUÉ SANS T’ÉTALER

ZERBINETTE : L’habileté dans les changements de registre. De la philosophie de comptoir : « Si les éléphants étaient petits blancs et carrés, eh ben ce seraient des sucres ! » aux citations d’ Oscar Wilde, les stéréotypes humains émaillent leurs certitudes de références saugrenues. Antisémitisme, théorie du complot, inégalités sociales, toutes les scories de notre société sont abordées dans un badinage qui tient du carnage. 

MANZI: J’ai trouvé très malin de mettre le prologue à la fin et d’inviter le public à monter sur le plateau pour boire un verre et échanger avec les acteurs. Si ce genre de procédé sonne parfois démago, cette fois-ci c’était parfaitement intégré au propos et à la scéno. Alors qu’une bonne partie du public se désaltérait et déblatérait, un projecteur de poursuite éclairait successivement des couples d’acteurs immobilisés et leurs dialogues enregistrés étaient diffusés dans la salle. Ce prolongement dans l’univers de Fabcaro avec cette mise en lumière des conversations extraites du cultissime “Et si l’amour c’était aimer?” fut aussi inattendu que participatif. Bravo à Maïa Sandoz pour l’originalité et l’intelligence de cette adaptation. Ce n’est pas pour rien qu’elle a également mis en scène “Je parle toute seule” et “Bonne nuit Blanche” de Blanche Gardin.

T’AS AIMÉ OU PAS, SOIS FRANC OU TAIS-TOI

ZERBINETTE : Oui. La satire est un art délicat. La compagnie du Théâtre de l’Argument n’en manquait pas pour nous faire rire de la cynique réalité. Les voix ont dessiné avec brio les messages graphiques de Fabcaro. On ne fuit pas impunément un système dans lequel l’homme s’est enferré si patiemment. Zaï Zaï Zaï Zaï fut une échappée belle dans le climat culturel actuel.

MANZI: À la sortie de ce spectacle, difficile de mesurer l’engouement global du public. J’ai échangé avec des aficionados de Fabcaro restés sur le carreau, des bleus bites immédiatement néophytes et une Zerbi totalement convertie. Pour ma part, j’ai passé un moment grisant alors que j’avais relu exprès la bédé avant. J’étais donc prêt à détester mais le rythme effréné m’a emballé. J’avais beau connaître les chutes, je me suis rarement dit “zut !”. Les quelques effets burlesques un peu trop appuyés sont vite oubliés et rattrapés par des personnages foutrement incarnés et une bande-son bien léchée.

https://www.bongou.re/bouillant/zai-zai-zai-zai

L'abattage rituel de gorge Mastromas

Jean-Pierre Thibaudat- Blog du Balagan

"(...) A travers sa pièce « L’abattage rituel de Gorge Mastromas », Dennis Kelly fait le portrait à facettes d’un gars timoré devenu magnat du libéralisme. Un beau travail signé Maïa Sandoz avec une équipe d’acteurs qui jouent collectif...

La pièce est admirable mais la façon dont elle est mise en scène et jouée l’est tout autant. Car c’est un travail d’équipe, où le décor (Catherine Cosme) n’a pas pu être conçu sans la complicité des acteurs, où la musique (Christophe Danvin et Jean-François Domingues) live est complètement intégrée au jeu, où les acteurs s’épaulent, solidaires, pour défendre ensemble ce texte qui met le doigt sur tout ce qu’ils détestent et qui les entoure, comme il nous entoure.

(...) La compagnie de Maïa Sandoz et Paul Moulin, le Théâtre de l’Argument, est aujourd’hui en résidence pour trois saisons au Théâtre de Rungis. Ses visées : « un théâtre d’acteurs rivés aux écritures contemporaines », au service de « dramaturgies exigeantes, radicales et effarantes » tout en mettant en avant « un théâtre de proximité (physique, politique, émotionnel) ». En créant L’Abattage rituel de Georg Mastromas au Studio-Théâtre d’Alforville, le Théâtre de l’Argument ne se trompe ni de pièce ni d’adresse."

 

Armelle Héliot-Le Figaro

"Dans le cadre des Rencontres Charles-Dullin, la metteuse en scène présente un spectacle aussi original que jubilatoire, une pièce du Britannique Dennis Kelly qui raconte le parcours d'un homme que l'on suit de sa conception à son âge adulte, de l’innocence au cynisme. Huit comédiens, parmi lesquels Adèle Haenel, s'en donnent à coeur-joie. En quelques années, Maïa Sandoz s'est imposée comme l'une des personnalités les plus intéressantes dans la relève de la mise en scène.

Comédienne, notamment formée à l'école du TNB-Rennes, elle a joué sous la direction d'un grand nombre de metteurs en scène avant de fonder en 2006, avec Paul Moulin, la compagnie l'Argument.Elle met en scène. Nous n'avons pas vu tous ses travaux, mais chaque fois elle frappe par la force d'une vision, des décisions esthétiques, des décisions de jeu, une direction d'acteurs tout à fait puissantes et originales.

(...) On n'a pas trop envie de détailler la manière, le régime de ce récit haletant, pas plus que les trouvailles de Maïa Sandoz qui introduit des ruptures supplémentaires, des bouffées burlesques encore plus puissantes que celle de l'écriture et ne lâche jamais le fil cruel de la narration. Les comédiens, galvanisés, sont excellentissimes.

(...) Si vous n'aviez qu'une seule soirée pour le théâtre ces jours-ci, c'est à cette bizarre et enthousiasmante entreprise qu'il faudrait donner la préférence. On y dénonce les dérives morbides de la fascination pour la réussite matérielle dans une société ultra-libérale, mais on y fait surtout un théâtre de notre temps. Un théâtre d'aujourd'hui dans le fond comme dans la forme. Rare, si rare !

 

La Trilogie

 

 

« En montant ensemble ces trois pièces, Maïa Sandoz montre bien la nature retorse de l’univers de Mayenburg et, mieux, chaque pièce bonifie la suivante et celle qui précède. Le spectacle doit beaucoup à ce qui est le nerf de la guerre de ce type de théâtre : les acteurs. Et à l’accompagnement musical délicat de Christophe Danvin »

Jean-Pierre Thibaudat- Rue 89

 

« La mise en scène, au sens concret du terme (les acteurs déplacent le matériel à vue), l’occupation de l’espace, le travail de son : tout cela est impeccable. Le jeu des comédiens est un pur régal : eux aussi savent, d’un coup de pouce, d’un coup d’épingle, changer de personnage, d’humeur, glisser de l’un à l’autre au service de la clarté du propos. Avec ce petit quelque chose de plus, ce trait à peine souligné, qui fait rire. On nous dit que ce spectacle dure trois heures (avec un entracte et de très bons cakes à la carotte) ? Incroyable, il dure juste le temps de le savourer, tant l’économie en est juste et précise. »

Christine Friedel- Théâtre du blog

 

C’est hautement jubilatoire. Les acteurs s’en donnent à cœur joie. Et dans l’absurde des situations incongrues qui s’accumulent, de plus en plus dingues (ah, la sodomie de l’élan…), des personnages de plus en plus étranges et barrés, voire franchement inquiétants, ils sont d’un naturel désarmant. Ce qui en rajoute à cette impression de perplexité qui ne nous lâchent guère, curieux de savoir où tout cela mène…

 Dennis Sanglard- Un Fauteuil Pour L’orchestre

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LE MOCHE

 

« N’en disons pas plus: la radicalité de Mayenburg et sa férocité narquoise sont portées par des comédiens aériens, tel Paul Moulin dans le rôle titre…. »

Armelle Héliot-Le Figaro

 

« C’est d’une grande finesse, très enlevé, avec des scènes cocasses et d’autres plus émouvantes, comme celle où Lette, en pleine confusion mentale, dialogue avec son double dans un miroir.

Voilà du théâtre fort, passionnant et profondément jubilatoire. »

Nicole Bourbon-Reg’arts

 

La direction d’acteur est exemplaire pour l’interprétation de partitions aux dialogues à la langue du quotidien, dépourvues de tout psychologisme mais néanmoins sous-tendues de violence, dans un registre de jeu hybride incluant distanciation et expressionnisme grotesque.Ainsi, sans changement de costume ni de physionomie, naviguant entre plusieurs personnages/figures fonctionnant en miroir, les comédiens – Paul Moulin, Monsieur Lette, Serge Biavan, le chef d’entreprise et le chirurgien, Aurélie Vérillon, l’épouse, la maîtresse et la riche rombière mère castratrice, Adèle Haenel, le collègue et le fils névrosé – sont tous excellents dans cette fable édifiante.

Froggy Delight

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Et aussi…

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